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vie privee - Page 3

  • " L'adieu au guerrier."

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    J’étais à peine majeur lorsque je rencontrai le garçon pour lequel je commis ma première folie amoureuse.


    Nous l’appelleront « Le Pacha » puisqu’il répondait au grade de quartier maitre dans la marine nationale.


    Le terme de « Pacha » dans l’argot des marins désigne le commandant d’un navire. Or commandant de navire, il l’était comme moi danseuse nue au « Crazy Horse ». Cependant ce surnom me semblait parfaitement convenir à sa nature dolente comme à son gout prononcé pour la plus parfaite oisiveté ; je l’aimais en tous cas beaucoup plus que celui officiel de « Crabe » qu’il devait aux chevrons rouges de son insigne de grade rappelant les pinces d’un crustacé.


    Nous nous rencontrâmes au « Queen » ; un Dimanche si je me souviens bien ; aux temps bénis ou pour accéder à ce saint des saints nous classant définitivement parmi les gens « in » , nous acceptions , de bonne grâce, d’être traités comme les voyageurs du métro New Yorkais , un Vendredi soir veille de fête , à l’heure ou des milliers de bureaux vomissent dans la rue des centaines de milliers d’employés , ou certains , moins jeunes , moins jolis ou moins rusés que nous ne l’étions , payaient à prix d’or des consommations que les serveurs , distraits , leur apportaient ou non selon leur humeur .

    La nuit largement entamée, j’étais saoul à ne plus savoir comment je m’appelais ; mais pas au point de laisser échapper cet immense gaillard, les cheveux taillés ras ; la mâchoire carrée ; les yeux légèrement fendus en oblique d’un bleu intense et liquide dans lequel on aurait aimé nager vers la promesse d’une ile.


    Vêtu d’un pantalon à pinces de toile noire comme on en faisait plus depuis 1982, d’une sage chemisette blanche boutonnée jusqu’au col, il dansait gauchement parmi les folles à boas et les athlètes en strings, indifférent aux mouvements de la foule comme au rythme de la musique.


    Je le trouvais emprunté, maladroit, provincial ; bref terriblement attendrissant.

    « - On dirait Balloo du « Livre de la Jungle » ; se moqua David à mon oreille.


    Je lui assénais une petite tape amicale sur la joue.


    « - Dans ce cas, je veux bien être son Mowgli.
    « - En plus, tu as vu la touche ? Je te parie qu’il est hétéro ! objecta mon empêcheur de draguer tranquille.


    J’esquissais un sourire que je voulais insolent.
    « - Raison de plus !

    Hétéro, il ne l’était manifestement pas, puisque trente secondes plus tard, après avoir feints de trébucher contre sa large poitrine (« Pardon, je suis un peu saoul ») je titillais de ma langue le fond de sa gorge sans qu’il songeât à me flanquer l’avoinée que mon impertinence méritait.

    A la fermeture, nous l’embarquâmes ; sans nous soucier de lui demander son avis, ni de savoir s’il était accompagné ou non ; chez David, dont le père, producteur de cinéma, absent pour cause de tournage Africain ne risquait pas de venir troubler nos turpitudes : autrement dit dans l’appartement mitoyen de celui ou mon propre géniteur et son épouse feignaient d’ignorer les bacchanales orchestrées de l’autre coté de la cloison.

    Tandis que nos pseudos amis s’achevaient gaillardement à coups de shoots de Téquila et de rails de coke, « le Pacha » et « Mauvaise. Graine » s’enfermèrent à double tour dans la chambre d’amis ou, bien entendu, ils jouèrent à la bataille navale jusqu’au lendemain matin.

    Quoi qu’il en soit, quant à des raisons suffisamment évidentes pour que je m’abstienne de les énumérer ici, il ne me fallut pas mille ans avant de me découvrir amoureux dans toute la splendide inconscience, la merveilleuse voracité de mes dix huit ans.

    « Le Pacha » brulant des mêmes feux, s’en suivirent six jours de folle passion, passés essentiellement à faire l’amour avant que le glas d’un départ annoncé ne vienne tempérer nos priapiques ardeurs.

    Je vous épargnerais la litanie des « ne me quitte pas » et autres « mais je ne pourrai jamais vivre sans toi » que nous déroulâmes à plaisir telle la bobine d’un mélo-raclette ; nos adieux déchirants sur un quai de gare , ma course éperdue dans le sillage de ce train qui emportait mon amour vers Toulon, sachez simplement que si un jour on tire un film de cette histoire il faudra impérativement vendre des kleenex pendant la projection sous peine de voir la salle noyée avant la fin du premier quart d’heure.


    S’en suivirent deux semaines de correspondance tragique, de coups de fil désespérés, avant que je ne me décide, ma vie m’étant devenue intenable, Paris haïssable, à tout plaquer pour rejoindre mon homme aux rives de la plus belle des mers du monde.


    Mon Saint homme de père tomba des nues lorsque je lui annonçais ma décision.


    « -Tu es saoul ? Drogué ? Malade ? Tu me fais un poisson d’Avril au mois de Mars ?


    Je le rassurais aussitôt : jamais je n’avais été plus sérieux.

    « -Et de quoi comptes tu vivre à Toulon ?


    J’objectais que je trouverais un job. Après tout travailler ne devait pas être bien terrible puisque plein de gens s'y risquaient.


    Ricanement du paternel.


    « - Parce que tu sais faire quelque chose de tes dix doigts ! Voilà qui est nouveau.


    En dépit de ma mauvaise foi, je convins qu’il n’avait pas tort.
    « - J’espérais que tu accepterais de m’aider financièrement.


    Pour la toute première fois mon père me dévisagea avec sévérité.


    « - Tu es majeur, je ne peux donc légalement t’empêcher de partir si tel est ton désir. Mais sache que tu fais une énorme bêtise. Tu te crois grand, tu te crois fort, tu te crois amoureux d’un garçon que tu ne connais pas, tu te crois armé pour la vie à deux et ses petites misères, vas mon fils, vie ta vie, seulement ne compte pas sur moi pour t’aider à te fourvoyer ! Et puis Toulon, franchement ! Tu n’y tiendras pas huit jours !


    J’y teins huit mois.


    Suite au refus de mon père, je m’en allais pleurnicher auprès de mes tantes, lesquelles nourries de romans roses et de films Hollywoodiens, compatirent à ma misère, acceptant même de me doter d’un joli magot aux conditions expresses que je taise leur rôle dans mon escapade et que je promette de leur téléphoner tous les jours.


    Je partis donc d’un cœur léger et retrouvais mon « Pacha » avec transports, bien décidé à gouter sans limites aux délices d’un amour conquis de si haute lutte.

    Hélas, je ne tardais pas à réaliser que si j’aimais sincèrement « Le Pacha », l’amour, l’amour avec « Le Pacha », j’aimais encore mieux mon confort et mes aises et que la passion dans 20 m2 avec chiottes sur le pallier, eau chaude uniquement entre sept et huit heures du matin, lorsqu’en plus il faut se farcir les courses, le ménage et la bouffe ; cette passion là possédait un léger gout de rance auquel mon palais de fin gourmet ne s’accoutumait pas.


    Toulon ; mon père avait raison ; et j’en demande pardon aux Toulonnais si toutefois certains d’entre eux me lisent, n’est pas une ville bien agréable, ni bien folichonne.

    Bref je m’y emmerdais à cent sous de l’heure et ce n’était pas un semblant de milieu gay -composé pour l’essentiel d’un bar, « Le Texas », lui plutôt sympathique ; d’un resto dont par charité Chrétienne je tairais le nom et d’une boite, « Le boy z Paradise », ou des travelos de l’âge de ma grand-mère se produisaient sur des chansons d’Annie Cordy - qui risquait d’enjoliver mes humeurs maussades.

    Mon orgueil m’interdisant toute marche arrière je rongeais mon frein jusqu’à ce que « Le Pacha » ne vienne m’annoncer, le teint cendreux et l’œil humide, qu’il embarquait à destination de Djibouti pour une escale de six mois.


    Je ne me souviens pas de ce que je ressentis à ce moment précis ; sans doute un lâche soulagement ; mais voici ce que je notais dans mon journal intime à la date de son départ :

    « Il s’en va.
    Il part sur la mer indigo à bord d’un navire blanc fierté de notre marine Nationale.
    Il ne reviendra pas avant de longs mois.
    Destination Djibouti.
    J’ai regardé dans un Atlas ou ça se trouvait.
    C’est loin, très loin …….
    « Le Pacha » pleurait tandis qu’il me serrait à me briser contre son grand corps massif.
    Il disait des bêtises, il disait des guimauves.
    Il disait qu’il avait peur. Il ne savait pas de quoi. Il ne savait pas pourquoi.
    Il voulait me faire l’amour, encore une fois, avant de me dire adieu.
    Je l’ai trouvé laid comme un homme qu’on aime plus.
    « - Tu m’attendras, suppliait il, tu ne me tromperas pas !
    J’ai promis tout ce qu’il a voulu, mais in petto je me disais « Pars tranquille, mon grand, je n’ai jamais autant envie de te tromper que lorsque tu es là. »

    Le bâtiment emportant « Le Pacha » n'avait pas quitté la rade Toulonnaise que déjà j’embarquais pour Paris ou mon père me reçu sans un commentaire, sans un reproche.


    "Le pacha" m'écrivit des mois durant sans même que je daigne ouvrir ses lettres.


    Puis il téléphona.


    Je lui fis répondre que j'étais décédé dans la paix du Christ Roi.


    Parfois, il me plait à imaginer qu'il espère encore ma résurrection.


    En revanche au cours des semaines qui suivirent je refusais systématiquement de sortir avec tout garçon qui habitat à plus d'un jet de pierre de mon XVIème natal.

  • " Prince des indécences."

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    Sans même se donner la peine de sonner, il est arrivé alors que je ne l’attendais plus.


    Mais à vrai dire, l'avais je réellement attendu ?


    Il a utilisé pour entrer une clé que je lui avais confiée du temps que nous grimions notre histoire de cul en histoire d’amour ; feignant pudiquement de ne pas remarquer que les paillettes se décollaient, que les fards viraient ou s’écaillaient comme sur un visage flétri qu'on aurait peint à la hâte aux couleurs de la jeunesse.


    Il ne me l’a pas rendue cette clé. Il ne me la rendra pas.


    Du reste je ne la lui demande même pas. Je ferais changer les serrures un jour ou l’autre.
    Disons plutôt l’autre.


    Je l'ai reconnu au bruit violent qu'a fait la porte lorsqu'il en a rabattu l'huis.
    Il n'y avait que lui pour claquer les portes aussi fort, à croire qu'il voulait par là s'interdire toute velléité de fuite.


    Tranquillement, j'ai refermé mon livre non sans en avoir corné une page qui n'en pouvait plus de l'être. Toujours la même page, toujours le même paragraphe, les mêmes mots que je relisais inlassablement et dont je vous parlerais peut être un jour.


    Il a pénètre dans ma chambre comme une bourrasque d’automne. Sur les pans de sa grosse écharpe rouge, dans les plis de son manteau noir trainait un parfum urbain de feuilles mortes et de goudron, de précipitation, d’urgence.


    Le parfum du dehors.
    Le parfum de Paris à la tombée de la nuit.


    Lui sentait le chèvrefeuille, les agrumes et le thé vert, les après midi paresseux.
    Il a vingt cinq ans, presque vingt six; des orages souvent sur ses histoires d’amour et l’éternité devant lui.
    Il est vrai qu’à son âge l’éternité est l'affaire d'une poignée de secondes.


    Il s'est laissé tomber plus qu’il ne s'est assit dans le fauteuil au courbes douces près de mon lit, mais cette chute n’était pas brutale.


    Fluide plutôt, flexible.
    Comme lorsqu'on tombe dans un rêve, Alice dans un puit.


    Je lui ai trouvé la grâce délivrée de toute pesanteur d'un nageur en eaux profondes.
    Ses gestes sont longs, son visage est lisse.
    Il a frissonné, s'est plaint d'avoir les pieds froids. Je lui ai fait remarquer que les petits garçons ont toujours les pieds froids.
    Il a levé une épaule pour me signifier que je racontais des bêtises.


    Je sais bien qu’il est frileux, qu’il aime le soleil. Le soleil sur cette plage de Sardaigne ou nous nous sommes connus, le sable rose et noir en damier et qui ne blesse pas tant son grain est poli, la mer tiède au couchant, infusée du sang vif des coraux, les maillots de bains turquoises ou Garances, trop étroit de chez Roberto Cavalli.


    La lumière crue lui sied; la quasi nudité.


    Il n’a rien à cacher.


    Il est beau comme un Italien, souriant et boudeur, gouailleur et taciturne, ombrageux et paisible, sensuel et aussi froid qu’un David de marbre. Le Caravage l’aurait peint sur fond d’obscurité. Claire tête d’archange, corps raviné d’ombres mauvaises, voyou Romain et prince Florentin ; un peu Cesare Borgia, un peu Giuliano de Médicis.


    Princier dans tous les cas.


    Il porte l’un des plus grands noms de France et fait mine de s’en moquer. Il définit ces prestigieux ancêtres comme un ramassis de putains royales et d’assassins en dentelles. Lorsqu’il évoque le monde dans lequel il a grandit, celui des chancelleries, des diners en habits, des châteaux en Touraine il en rit franchement.


    « -Qu’est ce que le « Monde » d’après toi ? Dix parents plus ou moins proches à Paris, dix parents éloignés à Londres, autant à Venise et Budapest ; tous déguisés en pingouins qui s’embrassent et se font des grâces dans la petit monde de leur monde et se détestent cordialement dés qu’ils en franchissent les frontières. »


    Je ne lui donnerais ni tort ni raison.
    Ce monde là, je ne le connais pas.
    Chez moi c’était la bohême et l’art du grand n’importe quoi.


    Il a soupiré longuement, pas bien heureux mais pas bien désespéré non plus. Il s’est arrache de son fauteuil pour rejoindre le lit ou me cloue ma cheville malade.

    En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, il était nu ce qui tenait de l’exploit olympique tant ce jeune athlète s'était couvert d’épaisses cotonnades et de souples flanelles pour se préserver d’un froid à givrer les marrons dans leur bogues.


    Lentement et sans me toucher il s’est allongé près de moi, son corps perpendiculaire au mien et a allumé une cigarette.
    Lui, c’est avant l’amour qu’il fume.
    Les yeux perdus dans les volutes bleues de son tabac blond il a parlé un peu de lui.

    De Prague dont il arrive, de Casa ou il s’en va.
    La cendre est tombée sur le drap sans qu’il s’en préoccupe.
    J’ai grogné, grondé pour la forme ; il a rit du bout des dents en me lançant un petit regard malicieux.


    « Je ne vais pas t’embêter longtemps, va ! »


    J’ai eut bêtement l’impression qu’il ne s’adressait pas à moi, qu’il n’y avait plus entre nous ce « pas-si-vieux » fond de souvenirs que l’on appelle bien prosaïquement de la complicité.


    « -Tu repars quand ? » j’ai demandé.


    Il s’est retourné sur le flanc, le bras tendu vers le chevet pour écraser sa cigarette dans un petit cendrier de porcelaine.


    « Quelle importance puisque je pars. »


    Puis sa main, sa petite main vigoureuse est venue effleurer mon torse. De l’index il a suivit le tracé de mon tatouage au dessus du sein gauche redessinant sur ma peau les longues cursives des mots « Mauvaise. Graine ».


    « - Et puis toi aussi tu partiras lorsque tu seras guéri. L’Afrique, la région des grands lacs .Tu vas te faire boulotter par les pygmées cannibales. » A-t-il ajouté avant de poser sa bouche là ou la décence m’interdit de le dire.


    Il s’appelle Chris et j'aurais put l'aimer s'il ne se défiait tant de cet amour.

    En même temps, si j'étais l'homme qu'il aime, je me méfierai!

     

     

     

     

     

  • " Serenade à Trois."

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    J’ai reçu le Week-end dernier, la visite surprise, d’un garçon plus qu’agréable à regarder, intelligent, subtil, drôle, cultivé ; un garçon que je connais depuis suffisamment peu de temps pour qu’il me manifeste, en lieu et place de cette condescendance amusée que me réservent mes anciennes relations, des sentiments extrêmement chaleureux.


    Nous appellerons, en toute simplicité, ce jeune et brillant apprenti scénariste/réalisateur, Truffaut.


    J’avais rencontré Truffaut au cours d’une soirée donnée par le père de David en l’honneur d’une vieille actrice chancelante car plus intéressée par le whisky que l’on servait au litre que par les oraisons, déjà funèbres, psalmodiées à sa gloire.

    Truffaut, probablement aussi saoul que l’aïeule du cinéma Français, m’avait abordé d’une boutade.

    « Ces fichus acteurs ne savent décidément pas réussir leurs sorties. Vous ne pensez pas qu’ils devraient accepter les hommages avant qu’il ne faille trois personnes pour les extraire d’une limousine ? »

    Troublé par la beauté lumineuse de cet inconnu, j’avais rit un peu trop haut- un vrai hennissement de jument menée à la saillie- ; or si l'on en croit un antique dicton Ukrainien , « Homme qui rit, à moitié dans ton lit. ».

    Soyons honnête, il n'aurait pas fallu me pousser beaucoup pour que je case les deux moitiés de ma grande carcasse dans le lit du bel impertinent s’il ne m’avait confié dans la foulée , être en ménage depuis des années avec un psy bien connu sur la place de Paris pour ses écrits filandreux sur la grave question existentielle du « pourquoi les homos aiment la bite ? ».


    Parce que c’est bon, connasse ! Pas besoin de nous en torcher trois cent pages à la mords moi la chose les soirs de pleine lune)

    Bref, sans trop de fleurs de rhétorique, Truffaut me laissa entendre que son penseur de mari et lui-même se seraient de bon gré partagé la mienne de bite, à condition qu’il y ait sur l’os, suffisamment de viande pour deux.


    Que la tronche du conjoint me revienne modérément m'incita moins au refus que le malaise - cette gène handicapante que l'on ressent lorsqu'on sait être au mauvais endroit au mauvais moment- que j'ai toujours éprouvé à m'immiscer dans l'intimité sexuelle de couples depuis longtemps constitués; aussi déclinais je cette généreuse proposition en perpétrant un mensonge si énorme que même Clara Sheller n’eut osé le commettre.

    « - Désolé jeune homme, je ne suis pas un adepte des plans.
    "- Comme ça tombe mal ! Saurais-je m’en remettre ?
    "-Très facilement, j’en suis certain. Du reste on ne doit pas souvent te dire non.
    "- Bien trop souvent à mon goût.
    "- Es tu donc si gourmand ?
    "-Es tu donc un tel ascète ?
    "- Non, mais j'ai du mal avec les garçons en couple.
    "-Tiens donc ! Et pourquoi les garçons en couple seraient ils plus dangereux que les autres ?
    "- Peut être parce que je craindrais de m'attacher à l'un plus qu'à l'autre.
    "- Donc le danger vient de toi, pas du couple ?



    Notre duel à fleurets mouchetés tourna court grâce à l’intervention de David, lequel me devinant en mauvaise posture, m’entraîna, sous un prétexte fallacieux, à l’autre bout du salon.

    Par la suite je croisais régulièrement Truffaut et son compagnon dans des soirées ou dans des bars. Nous échangions alors quelques platitudes sur un ton mondain de conversation sans qu’il ne soit jamais question de parties fines ou autres ribauderies.


    Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'à ce qu'un Truffaut affable et souriant se pointe à mon domicile tel un roi mage qui se serait trompé d'étoile, avec en guise d'offrande des chocolats blancs et des macarons roses.

    Il venait, dit-il, d’apprendre mon accident et me sachant cloîtré chez moi, il s’était permis d'agrémenter ma convalescence de quelques douceurs.


    Si vous pensez qu'il faisait par là allusion aux merveilles de chez Ladurée qu'il apportait, je me garderais de vous contredire mais à mon humble avis vous seriez dans l'erreur.


    Du reste mon aimable corrupteur dévoila ses intentions dés les politesses d’usage expédiées.


    « - Alors, on se marie quand tous les trois ?


    Bien qu’enrobée d’un sourire sur la grâce duquel Saint Pierre eut ouvert à deux battants la porte du royaume des cieux au plus tribard des sodomites, cette question me fit l’effet d’une provocation délibérée.


    « - Jamais ! Ça te va comme réponse ou tu veux que je développe ?


    Truffaut esquiva le coup de griffe d’un rire insolent.


    « - Oh ça va, ne me joue pas les Bossuet ! Madame se meurt, Madame est morte, Madame est outrée ! Que veux tu, je suis un sentimental moi, pas un romantique ! Est-ce ma faute si je m’exalte pour toi ?
    « - Je préférerais que tu t’exaltes pour ton copain.


    Nouveau rire moqueur, à croire que pour Truffaut je pouvais bien employer tous les mots du dictionnaire, ce serait toujours pour dire une connerie.


    « - Mais je peux m’exalter pour beaucoup de monde. Je ne recherche pas l’exclusivité.


    Il m’expliqua alors, détachant soigneusement les mots pour que l’attardé que je suis en comprenne bien le sens, qu’il ne croyait pas plus en l’amour qu’il ne croyait au couple. Il considérait d’ailleurs le mot « Amour » comme un maître mot assez vide de sens, un mot fourre-tout que l’on utilisait lorsque l’on ne savait pas qualifier ses élans, ses emballements. Il ajouta qu’il n’avait pas non plus une très belle opinion du couple à deux qu’il considérait comme un modèle social unique et oppresseur ; qu’il existait des formes bien plus constructives de « vivre ensemble » , que je n’était qu’un imbécile de n’avoir rien compris au film , qu’il me proposait non pas un plan à trois mais un « ménage » à trois , lequel ne se définissait pas comme une addition « 2+1 » mais comme un véritable partage à trois dans lequel les fluides circulaient dans tous les sens .


    Bref , bien si j'ai bien saisi; et malheureusement lorsque j'ai compris quelque chose on pourrait m'ouvrir le crâne en deux que je ne comprendrais pas le contraire ;il s’avérait que Truffaut et son psy sortaient d’une histoire de plusieurs mois avec un troisième larron lequel avait pris la tangente de peur d’être « trop amoureux » , laissant les deux compères dévastés quoique bien décidés à reformer au plus tôt « une association de bienfaiteurs » en forme de triangle isocèle , triangle dont j’avais été élu pour constituer le coté manquant .

    J’en restais sans voix et je l’avoue vaguement apitoyé.

    Je n’imaginais pas que l’on puisse se sentir aussi seul dans son couple, que l’on soit obligé de reporter son amour ou sa frustration d’amour sur un objet commun extérieur.


    Pimenter ses ébats sexuels en y invitant un nouveau venu ne me choquait pas, même si ma terrible jalousie m’interdisait de passer par une telle échappatoire (un mec qui oserait sous mes yeux toucher à l’intimité de l’homme que j’aime, mais moi, je le tue, je l’étripaille, je l’atomise, je le volatilise dans Paris façon puzzle !) ; en revanche, je refusais de me laisser utiliser, manipuler, réduire à l'état d'obscur objet du désir par un couple flageolant.


    En d’autres temps, en d’autres lieues, sans doute aurais je conseillé vertement à Truffaut d’aller se faire sodomiser par "Queue-d'ane" en place publique. Hélas , depuis mon accident et la quasi solitude qu’il m’impose , je me sens plein de compassion pour mes semblables , à croire que plus la vie est moche plus le cœur est bon .


    J’ai donc dit à mon vis-à-vis que je ne me sentais pas au cœur suffisamment d'amour à donner pour m'épanouir dans une liaison plurielle mais qu’en revanche je le trouvais , lui, assez séduisant pour envisager , le jour ou il serait libre……


    Il ne m’a pas laissé terminer ma phrase.


    « - Voilà un horizon bien lointain.


    Je me suis demandé s'il n'aimait pas sincèrement le psy lorsqu’il a ajouté, d’une voix étrangère, déjà en partance :


    « -Tu devrais pourtant le savoir, toi, que Rome ne c’est pas défaite en un jour.